Sydney Sweeney : miroir trouble d’une Amérique fracturée
L’été 2025 aura été marqué par une campagne publicitaire d’American Eagle autour de Sydney Sweeney, dont le slogan « Sydney Sweeney Has Great Jeans » (jeu de mot “jeans / genes”) a rapidement enflammé les réseaux sociaux. Ce qui semblait être une promotion innocente pour un denim s’est transformé en débat sur la race, l’identité, les privilèges et les messages symboliques qu’on infiltre dans la culture pop. The Guardian+2Wikipedia+2
À gauche, certains critiques y voyaient une résonance avec des idéologies eugénistes — l’idée que “bons gènes = supériorité implicite” — en partie renforcée par le profil typique promu : une actrice blanche, blonde, dans une posture labellisée “beau physique”. À droite, d’autres y ont vu une attaque contre la liberté créative, une “woke culture” poussée à l’excès. Des commentateurs conservateurs ont salué la campagne comme une provocation bienvenue dans un paysage médiatique qu’ils jugent trop uniformément critique sur les questions raciales.
Mais cette polémique dépasse les jeans et les jeux de mots.
Elle expose, en creux, une fracture profonde du tissu social américain : entre ceux qui scrutent les symboles, les sous-entendus et les héritages structurels, et ceux qui considèrent que tout cela est sur-interprété, voire instrumental. Le simple fait qu’une publicité pour un vêtement puisse déclencher des accusations de racisme systémique montre à quel point les sensibilités sont aiguës, les blessures historiques encore vives.
Il y a aussi un élément de stratégie et de communication dans cette affaire. Au fond, on pourrait dire que la campagne a réussi son but : elle a généré de l’attention, un débat viral — “émotion + controverse = visibilité”. Certains analystes affirment même qu’AE a finalisé avec succès de nouveaux clients et awareness malgré le backlash initial.
Ce paradoxe — où le “retour publicitaire” se nourrit de la controverse — est l’un des traits marquants du marketing à l’ère des réseaux.
Pourtant, on peut chercher un terrain de convergence : nous sommes tous concernés par ce que véhiculent les images que nous consommons. Même si les interprétations divergent — offensive ou inoffensive —, le débat montre que la culture visuelle est devenue un champ de bataille.
Il y a une responsabilité à créer des récits avec conscience, mais aussi à accepter qu’une part d’interprétation échappe à l’annonceur.
Dans cette tension, une lueur d’espoir : que ce genre de controverse encourage une prise de conscience collective. Que les marques, les créateurs, les communicants — plutôt que d’éviter toute provocation — commencet à poser les questions : “Qu’est-ce que je véhicule ? Qu’est-ce que cela rappelle ? Qui est exclu ou blessé ?” Ces interrogations peuvent nourrir une publicité plus sensible, plus nuancée.
Car si la publicité ne peut plus seulement “vendre”, elle peut aussi questionner, révéler — et parfois, amener une forme de dialogue. Le jour où une campagne suscite davantage de réflexions que de cris, peut-être aura-t-on tourné une page.